La composition du « Gouvernement Borne » a organisé la reconduction d’Eric Dupont-Moretti au poste de ministre de la justice, garde des Sceaux.
Celui-ci se succède donc. Nous ne pouvons que lui souhaiter bonne chance pour ce nouveau mandat ministériel, sans faire d’autres commentaires.
La continuité dans la continuité ?
Au-delà de la personne et de l’action du ministre, que nous demanderons à rencontrer prochainement, c’est la question de la politique conduite en matière judiciaire qui devrait être le réel souci des magistrats.
L’autorité judiciaire apparaît en dépit des annonces visant à assurer des recrutements temporaires massifs comme un champ d’une bataille conceptuelle qui éloigne de plus en plus le fonctionnement des services des besoins des justiciables.
A l’instar des services de police des marchés publics sont envisagés pour acquérir des véhicules électriques, alors même qu’aucune disposition n’est prise pour déployer des bornes de recharges dans les tribunaux.
Les matériels informatiques mis à dispositions dysfonctionnent.
Quant aux logiciels, inutile de revenir sur leurs difficultés d’utilisation.
Le « syndrome du Quai d’Orsay »
Selon certains commentateurs la magistrature serait le « dernier grand corps » à ne pas avoir été réformé. Mais en réalité il ne peut pas l’être car de fortes contraintes d’origine politique s’opposent à une telle réforme .
L’actuel président de la République n’a-t-il pas, dans le cadre de son mandat précédent, refusé d’engager une réflexion visant à recomposer la nomination des membres du ministère public ?
Qu’on le veuille ou non, les magistrats forment une pièce centrale de l’organisation juridictionnelle de l’État. Et les garanties qui leur sont accordées le sont pour protéger avant tout les justiciables.
A un certain niveau de contrainte (portant sur les budgets, les conditions de travail, l’absence de soutien) l’indépendance est en passe de n’être plus garantie dans l’exercice de la fonction juridictionnelle.
On ne peut pas uniquement organiser un système judiciaire sur la base du contrôle de ses membres et de sa production.
Ou l’on reparle de la carte judiciaire
Les premières annonces diffusées par voie de presse concernent une nouvelle réforme de la carte judiciaire.
Une telle perspective qui interviendrait après des années de concentration des sites judiciaires serait désastreuse si elle n’avait pas pour objectif comme le fait l’ordre administratif de procéder à des créations d’implantations judiciaires au lieu de raisonner uniquement en terme de suppressions.
En matière judiciaire la distance complique tout : les transfèrements de détenus ou de personnes poursuivies, les mesures d’investigation, la protection des personnes sous tutelle, la prise en charge des mineurs, etc etc.
Si l’on veut « rapprocher la justice des justiciables » il importe aussi de penser à réexaminer les bassins de population et de décider des implantations en conséquence.
Ou l’on reparle de l’ENM
Déjà pour partie abordée à la fin du quinquennat précédent, la question des recrutements dans les années qui viennent entraînera également des débats cruciaux pour l’avenir de la profession. Un recrutement massif et rapide sera temporairement une bonne nouvelle. Mais à terme elle contribuera à désorganiser les carrières des « grosses promotions » et à créer des effets de blocage et des effets d’aubaine. Elle posera aussi de redoutables problèmes d’encadrement.
La capacité des juridictions et de l’Ecole à conduire une telle politique ne manquera pas d’être interrogée. Il devient au quotidien de plus en plus difficile de dégager du temps pour autre chose que le service dans les tribunaux . Le « calibrage » actuel de l’Ecole laisse penser que les capacités de celle-ci sont utilisées à son maximum.
Repartir du service juridictionnel
Pour CFDT-Magistrats ce n’est qu’en reprenant les choses à la base qu’une rénovation en profondeur du fonctionnement des juridictions sera possible.
En l’espèce tout se passe comme si l’intérêt de l’État primait l’intérêt du justiciable pour déterminer l’organisation du service .
Les « Etats généraux » , bien que leurs conclusions ne soient pas encore connues font en la matière figure de modèle : les consultations n’ont intéressé qu’un nombre limité de professionnels et qu’un nombre infime de citoyens.
Sur ce terrain il s’agit déjà d’un échec.
Mais comment pouvait-il en être autrement ? Pour prendre parti dans un débat encore faut-il qu’il y ait un enjeu et que la consultation ne soit pas elle-même un enjeu politicien.
Pour que les réformes soient faites avec les personnels et non pas contre eux, pour défendre vos droits et faire vivre le pluralisme syndical rejoignez CFDT-Magistrats .
INFORMATIONS DIVERSES
Pendant ce temps-là au CSM
Une délégation de notre organisation, accompagnée par Laurent Berger a été reçue par le CSM réuni sous la présidence de François Molins le 24 mai dernier. Nous avons communiqué sur ce sujet.
Décret « audiences filmées », Cfdt-Magistrats saisi le Conseil d’État
Notre organisation a déféré les dispositions du décret du 31 avril 2022 autorisant la captation des audiences judiciaires au Conseil d’État (communiqué du 31 mai). Nous soutenons que ces dispositions portent atteinte à l’indépendance des juridictions.
Emploi de direction de l’État : un recours rejeté
Dans un arrêt du 13 avril 2022 (n° 439220) le Conseil d’État a rejeté un recours présenté contre le décret n ° 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’État. Ces dispositions ont été considérées comme conformes aux dispositions du statut de la magistrature ainsi qu’au traité sur l’Union européenne (article 19).
Défense individuelle : Cfdt-Magistrats intervient dans une contestation de refus de protection fonctionnelle
Notre organisation a soutenu devant le Tribunal administratif un recours visant à contester un refus de protection fonctionnelle. Le magistrat a sollicité le bénéfice de cette protection dans le cadre d’une constitution de partie civile visant à caractériser des faits de harcèlement moral dont il indique être victime.
Ce refus constitue une éclairante illustration de l’appui que l’administration peut apporter à certain de ses agents.
Le ministère poursuivit dans le cadre d’un décès d’un agent contractuel en 2017
Rappelons que selon un article paru dans le « Canard Enchaîné », du 18 mai et dans « Le Monde » du 20 mai l’État vient d’être attrait devant le Tribunal administratif de Paris à la suite de la mort par épuisement il y a 5 ans d’un agent contractuel travaillant pour le ministère de la Justice.
La défense individuelle des personnels apparaît plus que jamais comme un enjeu déterminant pour les années qui viennent.