REGARDS EXTERIEURS SUR LA MAGISTRATURE DES CONFINS
Communication du syndicat CFDT-Magistrats, 11 octobre 2022
Le Conseil supérieur de la magistrature s’est déplacé à Nouméa au début du mois d’octobre 2022. C’est l’occasion pour notre organisation d’aborder les problématiques spécifiques du ressort le plus éloigné de la métropole.
BIENVENUE A « NEWMEA »
La Nouvelle-Calédonie a la particularité d’être un véritable univers insulaire, bien moins étendue que le département de la Guyane, mais bien plus que toutes les autres îles françaises habitées (20 000 kilomètres carrés). Elle est aussi nettement moins densément peuplée (300 000 habitants, dont près de 100 000 Kanaks). Plus des deux tiers des habitants sont concentrés à Nouméa et dans sa proximité immédiate. L’agglomération fait donc figure de mégapole à l’échelle du territoire. La zone économique exclusive qui borde l’île représente rien moins que 2 millions de kilomètres carrés et elle est située dans une zone ou les tensions géostratégiques tendent à se développer. La situation politique et juridique est très complexe, l’archipel disposant d’un statut « sui generis » qui n’est comparable à aucun autre. Enfin c’est un territoire francophone perdu dans un océan anglophone.
PETIT TPI DEVIENDRA GRAND
Le Tribunal de première instance de Nouméa intégrera prochainement le « groupe II » de la classification des juridictions. Il y serait, selon des projets de la Direction des services judiciaires appelés en Commission permanente d’études, déployé à terme des postes « Bbis » et des postes « Hors hiérarchie » pour ses dirigeants.
Actuellement l’effectif compte 18 magistrats du siège et 8 magistrats du ministère public à Nouméa, un magistrat du siège en poste à Lifou et 3 magistrats du siège à Kone. La Cour d’appel a elle bénéficié d’importants investissements immobiliers au cours des dernières années.
DESEQUILIBRES ET PERMANENCES
La première chose à considérer dans la juridiction de Nouméa c’est l’importance relative de l’effectif des magistrats du ministère public par rapport à celui des magistrats du siège. Il est plus important que dans la plupart des tribunaux de taille comparable, y compris ceux situés Outre-mer dans des ressorts nettement plus peuplés.
Les collègues du ministère public, bien entendu ne chôment pas et la délinquance est effectivement importante (violences intra-familiales, et délinquance sexuelle, délinquance routière et de voie publique, etc). Mais le poids relatif du ministère public fait peser une charge réelle sur l’organisation du siège.
Il existe donc des besoins réels de magistrats non spécialisés.
Un tel besoin apparaît d’autant plus important que les particularités du droit local et de la procédure locale ne sont pas à négliger.
Outre les formations « coutumières » qui sont spécifiques à l’archipel, il convient de relever que le droit civil, la procédure civile, mais aussi certains codes, dont le code de la route ont fait l’objet d’un transfert au gouvernement local.
Il en résulte une difficulté spécifique à chaque instance: déterminer la loi applicable. S’agissant de l’état du greffe, pour ne citer qu’un seul exemple, les agents sont chargés de notifier les procédures si les parties ne choisissent pas d’utiliser le RPVA. Or il y a des avocats qui ne l’utilisent pas.
Le tribunal connaît également un tribunal mixte de commerce ainsi qu’une formation spécialisée, le tribunal du travail.
UN EXEMPLE DE PARTICULARITES….
« Ici c’est pas comme en métropole » est une phrase qu’un magistrat de Nouméa peut entendre plusieurs fois par jour, en particulier à l’audience.
Et il est exact que les particularités sont nombreuses. Outre celles déjà signalées, il nous a été par exemple signalé que des parents résidant sur les îles Loyautés sont parfois obligés de procéder à des délégations d’autorité parentale en raison de la politique de la Caisse d’assurances sociales locale (la CAFAT) qui refuserait des prises en charge entre ces provinces. On imagine mal la même chose entre deux régions métropolitaines.
…ET DE CONTINUITE TERRITORIALE
Mais à y regarder de plus près, Nouméa est aussi un ressort judiciaire typique: les besoins des services judiciaires restent sous-évalués, les conditions de détention y sont proprement apocalyptiques en dépit des projets en cours, et exception faite du nombre réduit d’acteurs économiques dans certains domaines (ce qui crée parfois des situations particulières), les affaires s’y règlent à peu près comme ailleurs.
ET LE CSM DANS TOUT CA ?
Nous avons échangé avec le CSM sur l’ensemble de ces particularités et nous avons également fait valoir nos inquiétudes générales sur le « flou » qui entoure aujourd’hui le déroulement des procédures disciplinaires. Même si cet échange excède les termes de la rencontre, il nous a semblé important d’attirer l’attention du CSM sur la nécessité d’une réforme globale à même de mieux prendre en compte les nécessités de toute défense individuelle devant l’instance disciplinaire.
A l’heure ou la composition du CSM va bientôt être renouvelée, et ou certains universitaires critiquent les décisions de l’instance disciplinaire, une nouvelle « coutume » mériterait de s’imposer : celle du respect des droits des magistrats poursuivis.
PENDANT CE TEMPS-LA, A PARIS
Le ministre de la Justice mis en examen, reste en l’attente d’un renvoi devant la Cour de justice de la République. Cette situation sans précédent fera l’objet d’une analyse dans notre publication mensuelle.