L’avis du CSM du 13 décembre 2023 sur la liberté d’expression.

Le CSM a considéré que ce qui se pratiquait actuellement méritait d’être maintenu en insistant sur des aspects que l’on retrouve cités dans la jurisprudence de la CEDH, plus que dans sa pratique antérieure.

S’agissant des audiences de rentrée, qui constituent un rare cas d’expression professionnelle non syndicale, et en principe non militante, le CSM a rappelé l’importance de ces discours et exclut qu’ils puissent contenir des propos séditieux ou injurieux.

Mais la véritable innovation de l’avis est qu’il ne distingue pas les magistrats du siège de ceux du ministère public.

En effet jusqu’à présent seule la liberté de parole des membres du ministère public était consacrée par les précédents du CSM (décision « Apap », CSM P013, 9 octobre 1987 du nom d’un procureur de la République qui avait pris position sur la légalisation du cannabis en 1987 et avait été renvoyé devant le CSM qui n’avait pas conclu à la nécessité d’une condamnation disciplinaire). En ce sens il s’agit d’un progrès et plus globalement d’un statu quo.

Dans un certain nombre de médias cette prise de position, très modérée et sollicitée par le Garde des sceaux, a fait cependant l’objet de critiques assez virulentes, fondées sur l’analyse selon laquelle cette liberté d’expression était dangereuse pour la démocratie (cf Le Figaro du 12 janvier 2023 la tribune de M Pochard).

L’abandon des poursuites devant le CSM : nouvel épisode

Dans une décision rendue le 7 décembre 2023 le CSM a considéré que l’abandon des poursuites exercées par le ministre à l’encontre d’un magistrat et acceptée par celui-ci le dispensait de statuer au fond (CSM S 266). Tant mieux pour le collègue poursuivi.

Mais au-delà de cette décision, la question demeure du point de vue procédural : le CSM doit-il ne pas juger dans une telle occurrence, sachant que, par le passé il lui est arrivé de condamner des magistrats qui ont bénéficié d’un abandon des poursuites ( CSM S 211 27 mars 2014 : non-lieu à sanction requis par la DSJ, prononcé d’un blâme, pourvoi non admis par le Conseil d’Etat), ou d’examiner les griefs au fond pour les relaxer (CSM S 205, 21 février 2013) ?

Comment appréhender le droit applicable si les précédents en matière de procédure applicable au contentieux disciplinaire ne sont pas stables ? On ne peut pas imaginer un changement de doctrine pour chaque composition ! Une clarification doctrinale sur un tel sujet s’impose.

L’administration judiciaire condamnée pour des faits discrimination envers un magistrat handicapé.

Dans un jugement du 11 janvier 2024 (n°2116343, 2° Chambre) le Tribunal administratif de Paris a considéré comme établis des faits de discrimination et de harcèlement moral commis à l’encontre d’une magistrate handicapée affectée à Paris.

La motivation qui analyse en détail la situation est proprement terrifiante.

On peut y lire que le taux de prime modulable est bien en-deçà du taux moyen, en dépit d’un avis du défenseur des droits, émis en 2017, que le taux de prime a été diminué au titre d’une péréquation ne prenant pas l’état réel de santé et que le magistrat apporte au soutien de ses écritures des éléments précis et concordants de nature à lasser présumer de l’existence d’agissements répétés de harcèlement moral perpétrés à son encontre, les faits s’étant déroulés pendant plusieurs années et ayant eu de sérieuses répercussions sur son état de santé.

L’Etat a été condamné au payement de la somme de 30 000 € en réparation de ce préjudice.

Notre analyse :

Cette décision conforte notre démarche visant à instaurer un observatoire de la responsabilité de l’Etat envers les magistrats.

Notre collègue a exercé ce recours sans assistance syndicale, nous ne pouvons que rendre hommage à son courage et à sa détermination et nous souhaitons lui faire savoir que nous sommes à sa disposition si elle le souhaite.