La Diagonale janvier 2023, partie 2

Dernières décisions disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature (2018-2022) : focus sur la liberté d’expression, le vol, l’atteinte à l’impartialité et la vie sexuelle au bureau

Les dernières décisions disciplinaires publiées concernant des magistrats du siège ont sanctionné une liberté d’expression jugée excessive (CSM S 258, 16 janvier 2023, CSM S 261 18 janvier 2023).La première décision sanctionne des propos tenus dans un hebdomadaire et sur différents réseaux sociaux par un magistrat pénaliste qui a fait l’objet d’une mutation d’office.La seconde entraîne un retrait de l’honorariat à un magistrat retraité qui a publié un livre critiquant le fonctionnement de la justice. Il est vrai que certains des propos étaient pour le moins peu amènes pour certains collègues (un membre du CSM est dit « froid comme un lézard » et un membre de l’inspection est comparé à un dindon).

Le CSM s’est également penché sur le cas de deux collègues qui ont été poursuivis pour des faits tirés de la vie privée. Dans le premier cas le CSM a considéré qu’il s’agissait d’une affaire concernant des adultes consentants et n’a pris aucune sanction (CSM S 262, 19 janvier 2023), dans l’autre (CSM S 256, 17 novembre 2023) le CSM a sanctionné d’un abaissement d’échelon les liens d’un magistrat chargé de l’application des peines avec un délinquant. Cette dernière affaire est cependant intéressante notamment lorsque l’on la rapproche de celles concernant la liberté d’expression dans la mesure où elle évoque longuement les problématiques de la « médiatisation » d’une situation (qui n’est pas nécessairement imputable au magistrat poursuivi), et également le fait que les faits se seraient produits dans un ressort de taille moyenne (ce qui aggravait la problématique de la publicité).L’atteinte à l’image aura donc été une problématique très présente dans les dernières décisions rendues par le CSM « siège » (par exemple, CSM S 253 12 0ctobre 2022).

Le CSM a aussi statué sur le cas d’un collègue convaincu de vol (CSM S 257 11 janvier 2023) qui a écopé d’une interdiction temporaire de deux mois.

Enfin le CSM a eu à statuer sur des manquements au devoir d’impartialité d’un magistrat honoraire présidant un bureau d’aide juridictionnelle. La poursuite et la sanction de magistrats honoraires, qui était jusque-là rare et même exceptionnelle aura eu tendance à augmenter sous la dernière mandature. S’agissant du ministère public, rappelons que le CSM a eu à se prononcer sur la situation des membres du « PNF » au mois de septembre dernier et n’a pas proposé au ministre d’infliger une sanction aux magistrats poursuivis.

CSM toujours : l’art de se faire des amis.

Pour la présentation de son dernier rapport d’activité le CSM a choisi la date du 19 janvier 2023. Quoi qu’on pense de la séparation des pouvoirs, un minimum de respect pour les mouvement sociaux (surtout lorsqu’ils amènent plusieurs centaines de milliers de personnes à descendre dans la rue) aurait été judicieux. Mais tel n’a pas été le cas.

On notera  dans ce dernier rapport (43 pages, « Regards sur une mandature ») que les décisions disciplinaires ne sont plus collationnées dans le rapport d’activité mais que le Conseil se penche sur la nécessité de faire progresser les moyens qu’il pourrait mobiliser pour mieux instruire les procédures disciplinaires (sans évoquer pour l’instant la question des garanties des magistrats poursuivis).

CSM encore: Vers une « psychiatrisation » des situations individuelles ?

Une réflexion sur les garanties procédurales en matière disciplinaire s’avère désormais indispensable. Dans une affaire en cours d’instruction, et donc encore non publique, le CSM a choisi de désigner un expert psychiatre afin d’effectuer une expertise médico-psychologique et psychiatrique d’un collègue poursuivi à l’origine pour un différend avec un auxiliaire de justice. L’expert a vocation à renseigner la juridiction disciplinaire sur l’état de santé et les traitements suivis par le magistrat.

Pour notre organisation une telle décision est dangereuse pour l’ensemble du corps judiciaire. D’une part elle viole le secret médical. D’autre part elle pose un réel problème juridique. L’exclusion d’un magistrat pour des motifs médicaux doit être le fait d’une décision administrative soumies au comité médical national saisi par le ministre. Elle n’incombe pas au CSM saisi à titre d’instance disciplinaire. Enfin si l’on peut admettre le recours à des examens dès lors que les faits visés dans la saisine laissent apparaître l’existence d’une altération du discernement, tel n’est nullement le cas en l’espèce.

Dans le même état d’esprit un comité médical local a proposé d’exclure un magistrat car d’après ses conclusions celui-ci serait « névrosé » (sic) et ce en contradiction avec les pièces médicales produites par ce collègue.

Nous avons choisi d’écrire au ministre, au président de la République et au CSM afin de signaler le risque de disparition quasi-complète du corps judiciaire si un tel motif était retenu comme une cause valable d’exclusion.

CSA Ministériel: garder le cap

Lors du CSA Ministériel du 1° février le ministre, comme d’autres membres du gouvernement, a tenté de convaincre les syndicalistes présents de l’intérêt de la réforme des retraites, point qui ne faisait pas partie de l’ordre du jour mais qu’il a tenu à aborder (on se demande bien pourquoi), sans aucun succès (évidemment !).

La première réunion a eu notamment pour objet le vote d’un règlement intérieur provisoire du CSA ministériel, le règlement intérieur définitif devant être approuvé au préalable par le conseil supérieur de la fonction publique. En dépit d’une opposition généralisée des organisations syndicales l’administration a imposé les termes du projet provisoire.

Garder le cap de la protection des intérêts des agents du ministère ne sera pas facile, mais les représentants CFDT s’y emploieront avec énergie  notamment pour faire progresser la qualité de vie au travail qui sera inscrite à l’ordre du jour des travaux de cette instance dans les mois qui viennent.