La liberté syndicale en question

Le président du groupe « Les Républicains » au Sénat a indiqué soutenir une réforme visant à voir limiter l’exercice de la liberté syndicale des magistrats de l’ordre judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature dans un communiqué publié le 4 mai a affirmé le droit des magistrats de se syndiquer.

Ce que ces informations ont de paradoxal c’est que la liberté syndicale du corps judiciaire est non moins critiquée depuis qu’elle est légalisée.

Que l’on ne s’y trompe pas, sur ce terrain la France fait figure d’exception: si l’ensemble des états démocratiques d’Europe occidentale reconnaissent aux magistrats le droit de s’associer, celui de se syndiquer est plutôt rare (il n’existe par exemple ni en Espagne, ni en Italie, ni en Belgique).

La liberté syndicale « à la Française » offre des garanties bien supérieures à celles qu’offrent le droit associatif « classique ». Le syndicat peut détenir des immeubles et les droits ainsi constitués sont protégés.

La liberté de critique syndicale est elle aussi garantie (dans les limites de ce que permet le débat public).

Pour notre organisation l’apport du syndicalisme et singulièrement du syndicalisme confédéré et du syndicalisme ouvrier à l’émancipation des citoyens n’est pas à passer par pertes et profits; l’actualité récente l’a amplement démontré…

Pour une procédure disciplinaire susceptible d’encadrer le pouvoir disciplinaire

A l’heure ou le projet de loi « justice » touchera bientôt le bureau des assemblées parlementaires, un constat s’impose: l’exercice des poursuites disciplinaires contre les magistrats de l’ordre judiciaire n’a jamais été aussi aléatoire. En effet, la lecture des décisions publiées par le CSM fait apparaître que dans le passé les condamnations disciplinaires étaient quasi-automatiques . Mais aujourd’hui les renvois des fins des poursuites sont nombreux.

Or la lecture des décisions publiées fait apparaître que ce n’est pas le « laxisme » supposé de la juridiction disciplinaire qui justifie ces « acquittements » : c’est bien au contraire le caractère infondé de certaines poursuites et singulièrement de poursuites ministérielles.

Les raisons d’une telle évolution sont multiples et anciennes. L’exercice du pouvoir disciplinaire par le ministre constitue depuis plus d’un siècle un accessoire essentiel de l’organisation des services. Aujourd’hui, la pratique de la répression opérée sans discernement peut s’appuyer sur un véritable « point aveugle » juridique: la faiblesse des garanties statutaires en matière disciplinaire.

Notre organisation revendique à ce titre que le CSM évalue les saisines dont il est destinataire au début de la procédure et qu’il mette en place un « filtre de recevabilité » des procédures disciplinaires applicables à l’ensemble d’entre elles et pas seulement aux « saisines directes ».

En prenant l’initiative d’instrumentaliser la saisine disciplinaire en la fondant sur des faits qui, au final, ne constituent pas des manquements aux obligations statutaires l’administration a institué un possible risque de déstabilisation de l’ensemble du corps judiciaire.

Qu’adviendrait-il si un ministre de la justice, titulaire d’un mandat de son gouvernement se mettait à « cibler » des magistrats considérés comme « peu compatibles » avec la ligne politique en vigueur ?

Avec les termes actuels de la loi organique, une telle stratégie serait gagnante à tous les coups: qui autoriserait la promotion d’un magistrat sous le coup d’une procédure disciplinaire ? D’autant plus que la protection fonctionnelle est exclue du champ disciplinaire et que le magistrat doit pourvoir aux frais visant à empêcher sa propre déstabilisation potentielle !

Cfdt-Magistrats appelle la nouvelle formation du CSM à se donner les moyens d’exercer un contrôle juridique sur les faits dont elle sera saisie, dans l’intérêt du corps judiciaire et des justiciables.