Des jurés dans les tribunaux pour mineurs : pile je gagne, face tu perds

Derrière les projets qui s’accumulent pour répondre aux « défis de l’institution » (dont les principaux acteurs de terrain ne décident en rien des moyens qui leurs sont alloués, ni du cadre juridique applicable), deux formes de délégitimation sont à l’œuvre s’agissant de la fonction juridictionnelle : la délégitimation technique et la délégitimation politique.

Le ministre de la justice a proposé d’établir des jurés pour les délits commis par les mineurs à l’occasion du débat parlementaire organisé sur ce point. Pourquoi pas ? Ce n’est pas une organisation syndicale rattachée à une confédération démocratique de surcroît(le « d » de CFDT) qui aurait à craindre de la présence de citoyens dans les tribunaux en général et des tribunaux pour les mineurs en particulier (d’autant moins qu’il y en a déjà sous la forme d’assesseurs spécialisés).

Mais ce qui est frappant c’est l’inconstance et pour tout dire l’inconsistance des critères appliqués à la justice pour décider de son organisation.

En effet, ou bien il s’agit de prévoir des réformes qui théoriquement ont vocation à augmenter la capacité de juger des juridictions et le gouvernement trouve utile de proposer de passer de la Cour d’assises à la Cour criminelle en supprimant le recours aux jurés. Et dans le raisonnement est fondé sur l’incapacité des juridictions à juger dans un délai raisonnable (avec, en filigrane l’incompétence des acteurs professionnels à gérer les situations concrètes).

Ou bien il s’agit de prévoir le retour des jurés populaires sensément plus proches de la réalité que des magistrats professionnels (c’est largement le sous-texte visant à obtenir une justice « plus efficace ») sans parler des assesseurs spécialisés (qui sont apparemment eux aussi trop laxistes) et on valorise le recours à des jurés populaires.

Mais si la source de légitimité des juridictions résulte la présence des citoyens en leur sein pourquoi ne pas supprimer les cours criminelles départementales ?

Et pourquoi ne pas en introduire à la Cour de justice de la République ?

Chacun comprendra bien que l’on ne peut pas développer les deux logiques « en même temps » sans que leurs rationalités théoriques respectives ne s’excluent. Et derrière ce débat qui remet en cause la logique des réformes précédentes comment ne pas voir un nouveau risque d’instrumentalisation politicienne de l’action des services judiciaires ?  Et même si tel n’est pas le cas, comment une telle réforme sera-t-elle financée ?

Décrédibiliser l’idée de justice est un jeu très dangereux dans une démocratie sûre d’elle-même. Il l’est encore plus dans un système politique soumis à des difficultés majeures.