CHANGER D’AIR POUR CHANGER D’ERE

CFDT-MAGISTRATS EXPOSE SON PROJET SYNDICAL

Communication du syndicat CFDT-Magistrats, 4 mai 2022

CFDT-Magistrats est une organisation professionnelle de magistrats de l’ordre judiciaire qui a intégré la  CFDT au mois de janvier 2022. Dans le cadre des élections à la Commission d’avancement, elle propose aux magistrats une nouvelle offre syndicale adossée à la première centrale syndicale française, axée sur une critique de la gestion de l’autorité judiciaire. Le syndicat propose de développer une stratégie de défense du corps judiciaire articulée sur la défense individuelle de ses membres,  la revalorisation des traitements et l’amélioration concrète des conditions de travail dans l’ensemble des services.

« On connaît la chanson » : point de départ pour changer d’ère

Des bases posées par le Consulat et jamais remises en cause

Le corps judiciaire est aujourd’hui structuré sur des bases largement hérité d’une réforme portée par le régime politique du Consulat. A cette époque, il s’agissait de contrôler les magistrats plutôt que de s’assurer de l’indépendance de la justice. Ces bases d’organisation ont perduré sous tous les régimes politiques et les fondements théoriques de l’organisation judiciaire de la V° République n’en diffèrent pas.

De cet imaginaire découle notamment l’idée que « les juges sont là pour appliquer la loi et pas pour la faire » et la faiblesse chronique des soutiens des responsables politiques lorsque l’activité juridictionnelle est mise publiquement en cause.

Ce que le tournant néolibéral a fait à la gestion de la justice

A cette structuration politique s’est ajoutée la valorisation des méthodes néo-libérales de gestions des administrations depuis le début du XXI° siècle : la « rationalisation » budgétaire a marqué une forte logique de concentration des effectifs dans un nombre de plus en plus restreints (et  souvent de plus en plus inadaptés) de sites judiciaires.

En outre depuis quelques années s’ajoutent à ces problématiques une volonté de plus en plus nette, notamment pour des raisons de sécurité, de restreindre l’accès des locaux judiciaires aux personnes qui n’y sont pas affectées.

La pandémie et ses suites : la justice sans audiences

Enfin la pandémie du COVID-19 a contribué à laisser envisager la perspective d’un justice sans audience publique et contradictoire (ou alors dans de très rares proportions).

La ligne est donc la suivante : moins d’argent, moins de sites, moins d’accès et moins d’audiences. Et pour la tenir tout rien n’est négligé : ne pas recruter, déjudiciariser, préférer les « voies alternatives », et tabler sur les « gains de productivité des réformes » pour ne pas recalibrer les effectifs en proportion de l’augmentation de la population du pays.

Un constat sans appel…

L’ensemble des organisations syndicales de magistrats et d’agents publics du ministère de la justice ont stigmatisé à raison les effets délétères de ces problématiques et leurs conséquences sur les conditions de travail, et sur l’efficacité du travail produit dans les juridictions.

Mais rien ne semble pouvoir réellement arrêter la volonté de continuer à développer la même politique : contrôle et diminution des budgets alloués au fonctionnement des tribunaux.

L’autorité judiciaire ne semble intéresser un certain nombre de responsables politiques que pour l’onction de légalité qu’elle autorise en matière de maintient de l’ordre, et l’on rechercherait vainement une approche de ce que constitue réellement le travail juridictionnel dans bon nombre de programmes électoraux.


…  voire bientôt sans cours d’appel ?

 Le prochain enjeu auquel sera confronté le corps judiciaire après les élections législatives sera d’ailleurs à n’en pas douter la question de la réforme des cours d’appels judiciaires.

Les tendances centralisatrices se sont déjà manifestées dans le passé et seule la disparition au pas de charge des tribunaux d’instance a justifié un report d’un nouveau cycle de suppressions.

De l’implicite à l’explicite : Changer d’ère

Le corps judiciaire est au demeurant victime de sa propre culture professionnelle. Celle-ci, outre le respect scrupuleux de la légalité est largement basée sur un certain nombre d’éléments culturels implicites dont il est d’autant plus difficile de se défaire qu’ils ne sont pas exprimés.

Deux exemples permettent d’illustrer cette difficulté :

De l’implicite à l’explicite : la question des rémunérations

Toutes les organisations syndicales ont à raison signalé la faiblesse des rémunérations des membres du corps judiciaire lorsque celles-ci sont comparées à celles servies aux juges administratifs et financiers.

Si une telle absence de réponse peut perdurer c’est notamment parce que la culture du corps judiciaire est souvent peu portée à parler d’argent. L’universitaire Alain Bancaud a d’ailleurs mis en lumière cette spécificité au regard des stratégies professionnelles développées par les membres du Conseil d’État ( cf : la haute magistrature judiciaire entre politique ou sacerdoce, ou le culte des vertus moyennes, LGDJ, 1993).

De l’implicite à l’explicite : la confusion des hiérarchies administratives et juridictionnelles

Dans le même ordre d’idées, les magistrats de l’ordre judiciaire n’identifient pas les chefs de juridictions , et en particulier les chefs de cours d’appels comme des autorités administratives et ne voient souvent en eux que des autorités juridictionnelles d’un niveau supérieur.

Seuls quelques collègues, souvent intégrés au corps judiciaire, et ayant eu une « vie avant » perçoivent clairement ce qu’induit un tel cumul de fonctions.

Il ne s’agit pas de critiquer ici la hiérarchie judiciaire pour ce qu’elle est ou ce qu’elle fait, mais simplement de rappeler que si un certain nombre de pouvoirs dévolus pour assurer l’organisation du service n’étaient pas exercés au quotidien par des magistrats, leur critique serait sans doute nettement plus virulente qu’elle ne l’est habituellement. A preuve, la manière dont un certain nombre de ministres ont été brocardés (généralement non sans raison), dans le discours syndical.

La stratégie pour changer d’ère : Définir, refonder, défendre.

Définir l’action de juger et de poursuivre

Dans le discours public, l’organisation judiciaire est conceptualisée comme un service public, c’est à dire la réponse politique à un besoin social. C’est parfaitement légitime, mais c’est insuffisant. L’organisation judiciaire n’est pas conçue comme une agrégation de métiers susceptible de remplir cet objectif.

Or tout système juridictionnel est nécessairement articulé sur l’exercice de la fonction juridictionnelle. Qu’on le veuille ou non les magistrats sont nécessairement placés au centre du fonctionnement des juridictions dès lors que ce sont eux qui, au final, reçoivent et traitent les demandes concernant les justiciables.

Mais en France l’encadrement juridique de la fonction juridictionnelle n’est pas cohérent. Ni le statut de la magistrature, ni le code de l’organisation judiciaire ne permettent de comprendre réellement en quoi consiste la spécificité du travail juridictionnel. Les codes de procédure civile et pénale ne l’autorisent qu’accessoirement, par les dispositions qui encadrent les droits des parties qui comparaissent devant les tribunaux.

Cette faiblesse conceptuelle explique pour partie la faiblesse des garanties intrinsèques à la protection de la fonction juridictionnelle qui doit aussi passer par des conditions de travail qui doivent être a minima normales et en théorie sereines.

Exercer des fonctions juridictionnelles nécessite de disposer du temps pour faire son travail, autrement dit, de disposer du temps pour réfléchir (surtout lorsque les décisions sont prises en urgence).

Juger et poursuivre c’est apprécier et donc, réfléchir mais c’est aussi penser, notamment au sens global de son action.

Refonder une approche juridique cohérente.

Définir les besoins des services nécessite de commencer par analyser le fonctionnement des services.

Notre organisation vient d’être intégrée au groupe de travail relatif à la définition des charges de travail et y prendra toute sa charge. En dépit des retards insensés pris pour mettre en place de tels dispositifs une telle démarche constitue un préalable indispensable.

Mais elle ne saurait être la seule. 

Il convient aussi d’engager une réflexion de fond sur le statut de la magistrature lui-même.

Notre organisation milite à ce titre pour voir édicter un code de la magistrature judiciaire qui synthétise toutes les spécificités juridiques du métier et puisse servir de base à des améliorations futures.

Il convient de faire émerger un droit pour ceux qui appliquent le droit afin qu’ils puissent rendre la justice dans de bonnes conditions.

Un exemple : retour sur la question des rémunérations

Toutes les organisations syndicales de magistrats déplorent aujourd’hui l’absence de négociations salariales concernant notre profession. Elles ont raison et nous soutenons ces revendications : les magistrats sont à la fois sous-payés (par rapport à d’autres corps) et mal payés (à faire eux-mêmes des tâches qui relèvent de fonctions supports dans d’autres corps). Mais l’administration dispose pour s’opposer  à ces revendications d’un argument juridique de poids : le principe de la rémunération des magistrats est inscrite dans la le statut de la magistrature. Le rattachement à ce texte permet de ne pas appliquer les dispositions relatives à la fonction publique de l’État.

Pour CFDT-Magistrats lever l’obstacle juridique en réformant le statut de la magistrature sur ce point et sur bien d’autres constitue un préalable indispensable pour pouvoir être entendu et obtenir satisfaction.

Nous défendre collectivement suppose de se défendre individuellement

Dans le cadre de son ambition consistant à voir émerger un vrai droit de la magistrature judiciaire notre organisation mettra en place, bien entendu les éléments d’une défense collective. Elle a déjà saisi les juridictions administratives de recours notamment contre le nombre de places ouvertes au premier concours d’entrée à l’ENM pour l’année 2020. D’autres contestations sont à l’étude.

Mais elle entend aussi développer les possibilités offertes par la défense individuelle des magistrats de l’ordre judiciaire.

Car dans un certain nombre de cas gagner une cause c’est gagner pour tout le monde. 

Et surtout à l’heure ou certains syndicats de policiers martèlent à nouveau que « le problème de la police c’est la justice » (!), et où les incidents mettant en cause les magistrats ne donnent pas systématiquement lieu à des preuves de soutien par l’administration, il devient indispensable pour les magistrats de pouvoir se défendre individuellement.

Notre organisation diffusera donc sur son site internet (voir ci-dessous) des analyses sur les techniques de défense individuelle à l’usage des magistrats de l’ordre judiciaire.

Pour que les réformes soient faites avec les personnels et non pas contre eux ,

Pour défendre vos droits et faire vivre le pluralisme syndical,

Rejoignez et soutenez CFDT-Magistrats .

APPEL A CANDIDATURES

Dans le cadre du renouvellement de la Commission d’avancement, scrutin qui détermine la représentativité des organisations syndicales, CFDT-Magistrats appelle les magistrats à se porter candidat pour faire vivre le pluralisme syndical.

Pour faire évoluer les positions de l’administration le soutien de la première centrale syndicale française ne sera pas superflu, il sera au contraire indispensable.

Pour tout contact : synd-cfdt-magistrats@justice.fr ; cfdt-magistrats@interco-cfdt.fr

et notre site : cfdt-magistrats.fr

Ce message a été envoyé dans le cadre de la campagne électorale à l’ensemble des magistrats du corps judiciaire.