Accès aux rapports d’inspection, une victoire à saluer

Le Syndicat de la magistrature a obtenu du Tribunal administratif de Paris que le ministère de la Justice soit condamné à lui communiquer (et plus largement à communiquer) un certain nombre de rapports d’inspections notamment ceux relatifs au fonctionnement d’un certain nombre de juridictions.

Nous ne pouvons que saluer l’élévation de ce contentieux qui a permis à la juridiction administrative d’édicter les considérations suivantes :

Les rapports de l’Inspection de la justice sont des documents communicables et le ministère n’a pas suffisamment qualifié la nature de « document préparatoire » qui pourrait justifier le refus de communication de certains d’entre eux. Le caractère abusif de la demande de communication n’a pas été retenu. Il n’a pas non plus été démontré par l’administration que l’obligation de procéder à des occultations représenterait pour elle, au regard des moyens dont elle dispose, une charge indue susceptible de justifier d’un refus de communication.

Dès lors, sauf à démontrer l’existence d’un motif dirimant, le recueil d’information qui est financé avec des fonds publics, doit pouvoir être restitué à celui qui en présente la demande en l’absence de caractère abusif d’une telle demande.

Dédramatiser le recours pour excès de pouvoir…

Mais cette décision est importante également sur un autre point.

En effet elle démontre que le résultat de l’action syndicale n’est pas nécessairement relié à celle de la représentativité de l’organisation en question. Bien sûr le Syndicat de la magistrature est représentatif, mais la possibilité d’introduire une action en justice n’est pas liée à la question de la représentativité, mais à celle d’une personnalité juridique garantie au syndicat par la loi.

La question de la « procéduralisation » des questions relatives au dialogue social apparaît d’autant plus intéressante pour des juristes qu’elle s’inscrit dans un système de régulation qui est parfaitement conforme à leur propre système de valeur professionnel.

Comment ne pas considérer comme légitime pour des magistrats le choix de faire trancher un différend relatif à une problématique de la légalité par une juridiction ? C’est incontestablement utile pour les décisions d’ordre général, mais cela l’est encore plus pour les mesures d’ordre individuel qui peuvent être entachées d’illégalité.

Pour notre organisation il est plus que temps de dédramatiser le recours pour excès de pouvoir et de placer l’Etat-employeur face à ses responsabilités s’agissant de la légalité de son action vis-à-vis des personnels, magistrats judiciaires compris.

Juridictions ultramarines : cyclone à Mayotte, motion à Nouméa

Notre organisation adresse ses pensées aux personnels des juridictions mahoraises, et au-delà à la population du territoire durement frappée par le cyclone « Chido » et espère que tout sera rapidement mis en œuvre pour assurer un retour à des conditions de vie normales.

L’assemblée plénière des magistrats et des fonctionnaires du tribunal de première instance de Nouméa a de son côté voté une motion le 13 décembre 2024 visant à obtenir l’organisation d’une étude épidémiologique de l’ensemble des personnels à la suite des « évènements » du 13 mai 2024. Une mission d’inspection « santé et sécurité au travail » avait dans un premier temps été sollicitée par le comité social d’administration local, et accordée mais elle a été reportée.

Si leur vie n’a le plus souvent pas été directement mise en danger, les personnels des sites judiciaires calédoniens ont été exposés à des difficultés de circulation, de ravitaillement, de scolarisation de leurs enfants et de sécurisation de leur domicile et du site judiciaire pendant plusieurs semaines sans qu’aucune mesure d’évaluation de ces difficultés sur leur santé et leur sécurité ne soit pour autant organisée par l’administration centrale.

Au ministère de la justice, l’accompagnement des personnels en situation de stress nécessite selon notre analyse un changement de doctrine et d’échelle.

Des lettres de missions  « impossibles »?

De plus en plus de collègues du siège notamment placés en situation d’encadrement intermédiaire se voient remettre des « lettres de missions » par leur hiérarchie pour assurer l’exercice de leurs attributions professionnelles. Ces lettres au demeurant parfaitement légales en théorie, dans le cadre de la dévolution de compétences administratives, causent un réel sentiment de malaise dès lors qu’elles ont pour objet de viser à assurer le compte rendu de fonctions juridictionnelles. Il est certes normal qu’un magistrat rendre compte de l’exercice de ses compétences. Mais jusqu’à quel point ? Et avec quelle fréquence ? L’indépendance est-elle soluble dans la culture du « reporting » cette philosophie de l’entreprise à la sauce ultralibérale qui a tendance a confondre exécution et culture de la soumission ?

Le Conseil d’Etat a reconnu la capacité du corps judiciaire a bénéficier d’une liberté d’organisation de son propre travail et l’a assimilé à une des conditions de l’indépendance (CE, 21 février 2018, n° 399260). Si un tel procédé devenait coercitif, il conviendrait d’en interroger la légalité.